Alors que les entreprises se numérisent de plus en plus, certains processus tels que la surveillance au travail ont pris de l’ampleur. Pour aider les petites et les moyennes entreprises à mieux comprendre l’intérêt et les avantages des outils de surveillance des salariés, nous avons interrogé plus de 750 employés au Canada.
Ce dont nous allons parler
Pendant la pandémie de COVID-19, certaines entreprises ont adopté des solutions technologiques pour prendre en charge le télétravail. Gérer ses effectifs à distance n’est pas chose aisée, et certaines PME ont opté pour des logiciels de surveillance afin d’avoir un aperçu de la charge de travail des employés, de gérer la productivité, de suivre le temps travaillé et de fournir des informations aux ressources humaines (RH).
Les pratiques de surveillance au travail sont souvent accompagnées de nombreuses controverses. Bien qu’elles aient été conçues pour surveiller virtuellement les employés, certaines pratiques de collecte de données peuvent générer des inquiétudes quant au respect et à la protection des données personnelles.
Malheureusement, lorsqu’il s’agit du droit à la vie privée des Canadiens sur le lieu de travail, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) manque de clarté. Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada s’est engagé à développer cette législation dans le secteur privé, mais les dirigeants d’entreprises pourraient avoir besoin d’informations précises sur la façon de recueillir, d’utiliser et de protéger correctement les données des employés.
Pour évaluer l’utilisation et la perception qu’ont les employés de ces outils, nous avons mené une enquête auprès de 752 professionnels travaillant à temps partiel et à temps plein au Canada, dont 88 d’entre eux résident au Québec. Vous trouverez la méthodologie complète au bas de cet article.
Quelles activités sur le lieu de travail sont surveillées?
Selon les participants à notre enquête qui utilisent actuellement des outils de surveillance, la majorité (81 %) utilise des logiciels pour gérer les absences des employés. Compte tenu de l’essor du télétravail dans bien des entreprises, les responsables et les professionnels des ressources humaines peuvent utiliser ce type d’outil pour suivre les activités des collaborateurs, une tâche qui était autrefois réalisée simplement en jetant un œil sur le lieu de travail.
Les outils les plus couramment utilisés se concentrent sur la gestion des absences et des performances, deux aspects sur lesquels les responsables ont perdu en visibilité avec le développement du lieu de travail numérique. Cependant, les participants à l’enquête signalent très peu d’interférences avec leurs informations personnelles. Seulement 7 % des employés disent que leurs comptes de réseaux sociaux sont surveillés par leur employeur, et 1 % disent que leur état de santé est suivi à l’aide d’objets personnels connectés.
En dehors des provinces du Québec, d’ Alberta (page en anglais) et de la Colombie-Britannique (page en anglais), il n’existe aucune loi concrète relative à la quantité de données personnelles qui peuvent être surveillées, à l’exception des entreprises où les syndicats peuvent avoir implémenté de telles règles. Cependant, cela ne signifie pas que les entreprises n’ont aucune responsabilité vis-à-vis du respect de la vie privée de leurs salariés. Les employés peuvent signaler les abus relatifs à l’usage de leurs données au Commissaire à la protection de la vie privée, ce qui peut entraîner des enquêtes.
Prévalence de la surveillance au travail au Canada
À l’heure actuelle, 35 % des employés canadiens interrogés travaillent dans une entreprise qui fait appel à au moins un outil de surveillance. 28 % d’entre eux affirment que ces outils étaient déjà utilisés avant la pandémie et 7 % déclarent qu’ils sont en place depuis le début de la pandémie.
Si la majorité des professionnels interrogés (47 %) déclarent que leur employeur n’utilise aucun logiciel de surveillance des employés, les réponses semblent varier selon la position hiérarchique. Les employés ayant un poste de responsable disent ne pas être surveillés sur leur lieu de travail, contrairement aux employés en début de carrière. Cela montre que les entreprises ont tendance à surveiller davantage les collaborateurs de niveau débutant ou intermédiaire.
Les raisons d’une telle disproportion réside probablement dans l’incertitude des employés quant aux pratiques de surveillance mises en place par leur entreprise. Les employés moins expérimentés sont plus susceptibles de n’être pas au fait des mesures de surveillance dans le cadre de leur travail. Les responsables sont en revanche plus au courant de ces pratiques, dans la mesure où ils peuvent avoir pris part à la décision de les implémenter.
Au Québec, les participants sont moins nombreux à être soumis à l’utilisation d’un outil de surveillance par leur employeur, et seulement 16 % d’entre eux déclarent devoir en utiliser un à l’heure actuelle. Si l’utilisation de ces logiciels semble moins répandue au Québec, 26 % des personnes interrogées ignorent si leur employeur les surveille à l’aide d’un logiciel, contre 18 % des répondants au Canada. Cela suggère un manque de transparence et de communication des politiques relatives à la surveillance sur le lieu de travail et pose la question du consentement des employés.
Surveillance des employés : le consentement est crucial
Si les employeurs ne sont légalement pas obligés d’obtenir le consentement des employés avant de mettre en place une surveillance électronique, il vaut mieux les en informer. La plupart des employés concernés par l’utilisation de logiciels de surveillance ont été informés et formés à ce sujet et/ou ont signé des accords de consentement (37 %). Cependant, ils n’ont pas tous reçu les mêmes informations.
Sans compter les professionnels qui ont signé des accords de consentement, le recours à la surveillance aurait été communiqué par les employeurs aux salariés surveillés comme suit :
- 24 % en ont été informés verbalement.
- 23 % en ont été informés par courriel.
- 16 % n’en ont pas du tout été informés.
Cela étant, il existe une distinction entre informer les employés sur les pratiques de surveillance en place et demander expressément leur consentement. Demander le consentement implique que les employés seraient en droit de refuser cette surveillance. Bien que 40 % des personnes interrogées à qui l’on a demandé leur consentement l’ont accordé parce qu’elles étaient d’accord avec ce principe, 23 % ont déclaré qu’elles se sentaient mal à l’aise de le refuser et 18 % disent avoir consenti sous la pression.
Ce que pensent les employés des pratiques de surveillance sur le lieu de travail
Lorsque l’utilisation de logiciels de surveillance des employés fait l’objet d’une controverse, les opinions des employés sont souvent au cœur du débat. 65 % des personnes interrogées déclarent que la mise en place d’outils de surveillance n’avait pas d’effet tangible sur l’environnement de travail. Cependant, 23 % des répondants surveillés ont estimé que cela rendait le lieu de travail plus « hostile », se traduisant par davantage de stress au travail.
Malgré la pression que les employés peuvent ressentir quand ils sont surveillés sur leur lieu de travail, ceux qui sont surveillés par un logiciel estiment qu’il a été implémenté à des fins positives. Les personnes interrogées rapportent que les entreprises ont justifié l’utilisation de logiciels de surveillance des salariés comme suit :
- Amélioration de la productivité (47 % des répondants)
- Suivi du nombre d’heures travaillées (25 %)
- Suivi de la charge de travail (13 %)
Avantages et inconvénients perçus des outils de surveillance des employés
La majorité des employés interrogés (65 %) ne pensent pas que le fait d’être surveillé a un impact sur leur façon de travailler. Parmi les 35 % restants, 16 % estiment que cela les inciterait à travailler plus ardemment et 19 % à travailler, au contraire, avec moins d’ardeur. L’implémentation de pratiques de surveillance pouvant avoir un impact sur le rythme de travail de certains employés, il est important pour les PME de peser le pour et le contre avant d’imposer ce type de changement.
Quant aux avantages des outils de surveillance des salariés, les professionnels interrogés estiment qu’ils peuvent offrir aux responsables une meilleure visibilité des activités au jour le jour, les aidant ainsi à rationaliser les flux de travail ou à localiser les goulets d’étranglement.
D’autres avantages mentionnés étaient aussi considérés comme pouvant profiter aux employés, comme par exemple veiller à ce qu’ils soient payés correctement et à ce qu’ils ne soient pas victimes de surmenage.
Malgré les avantages que présente la surveillance sur le lieu de travail, les inquiétudes relatives à cette technologie persistent. Environ trois employés interrogés sur quatre (72 %) pensent que ces pratiques peuvent nuire au respect de la vie privée. 71 % pensent aussi qu’elles pourraient avoir un impact négatif sur la confiance entre employeurs et employés.
Bien que ces inquiétudes soient légitimes, il est possible qu’il s’agisse plutôt de craintes générales liées à l’entreprise elle-même. Quand on leur demande s’ils pensent que leur entreprise pourrait enfreindre les lois relatives au respect de la vie privée, la plupart des individus interrogés (60 %) répondent par la négative. Un quart d’entre eux (26 %) pensent que leur employeur pourrait surveiller plus de choses qu’il ne le devrait de façon exceptionnelle, et seulement 14 % pensent que leur employeur enfreindrait les lois relatives à la protection de la vie privée pour surveiller leurs salariés.
Considérations pour les employés
Le travail hybride étant en train de devenir la nouvelle norme, les employeurs envisageant de mettre en place des programmes de surveillance doivent faire attention à ne pas nuire à l’image du télétravail.
Selon un rapport publié par Gartner (disponible en anglais pour les clients Gartner), les employés acceptent plus facilement d’être surveillés s’ils savent exactement ce qui est sous surveillance et pourquoi. Si vous n’êtes pas légalement tenu d’obtenir le consentement de vos employés au Canada, les en informer peut les aider à se sentir plus en confiance et surtout respectés.
Voici d’autres points à prendre en considération :
- Assurez-vous que les activités de surveillance respectent les dernières lois sur la protection de la vie privée.
- Protégez les données collectées à l’aide de mesures de cybersécurité.
- Fournissez des informations sur les mesures de surveillance grâce à un répertoire accessible tel qu’un portail pour les employés.
Méthodologie de l’enquête :
L’enquête Digital Monitoring de Capterra a été lancée en avril 2022. Cette enquête en deux parties a été réalisée par 756 consommateurs et 752 employés. Pour rédiger cet article, nous nous sommes concentrés sur le groupe des employés. Nous avons également analysé les commentaires de 88 participants résidant au Québec. L’échantillon de participants est représentatif de la population canadienne en termes de groupes démographiques et de genre. Les critères de sélection des répondants étaient les suivants :
- Réside au Canada
- Âgé de plus de 18 ans
- Employé à plein temps ou à temps partiel
- N’occupe pas un poste de dirigeant(e)
- Travaille dans une entreprise comprenant au moins 2 employés
- Sait identifier la définition d’« outil de surveillance des salariés » parmi trois réponses possibles
REMARQUE : ce document, bien qu’il soit destiné à informer nos clients des défis actuels en matière de confidentialité et de sécurité des données auxquels sont confrontées les entreprises informatiques sur le marché international, n’est en aucun cas destiné à fournir des conseils juridiques ou à approuver un plan d’action spécifique. Pour obtenir des conseils sur une situation spécifique, consultez votre conseiller juridique.