À travers diverses initiatives, le gouvernement canadien a tenu à souligner que l'égalité hommes-femmes au travail relevait du droit humain. Mais les entreprises en font-elles assez pour créer un environnement équitable? Capterra a mené une enquête auprès de 982 professionnels, hommes et femmes, pour comparer leurs expériences.

Ce dont nous allons parler
Le Canada a toujours protégé l'égalité des droits dans le monde du travail grâce au Programme d'équité en milieu de travail qui a été inscrit dans la législation en 1995. L'objectif est d'assurer l'égalité d'accès au marché du travail à tous les Canadiens, en particulier à ceux qui appartiennent aux groupes suivants : femmes, autochtones, personnes en situation de handicap et minorités visibles.
De ce fait, de nombreuses entreprises assignent à leur service des ressources humaines la tâche spécifique d'établir et de maintenir l'égalité en milieu professionnel. Bien que de nombreux employeurs prennent des mesures pour promouvoir l'égalité et la diversité, la réalité vécue par les hommes et les femmes au travail peut s'avérer bien différente.
Pour en savoir plus sur la promotion de l'égalité des sexes dans le milieu du travail au Canada, Capterra a interrogé 982 employés à plein temps et à temps partiel, dont 228 au Québec. Au niveau national, l’analyse a été réalisée à partir des réponses de deux groupes de taille similaire (un groupe de répondants hommes et un groupe de répondantes, tous actifs dans la vie professionnelle); pour le Québec spécifiquement, le panel se compose de 147 hommes et de 81 femmes. Vous trouverez la méthodologie utilisée à la fin de cet article.
Les employeurs québécois traitent-ils les hommes et les femmes de la même manière?
Le traitement égalitaire des hommes et des femmes ne se résume pas à employer le même nombre de personnes de chaque groupe. Pour mieux comprendre comment se manifeste l'inégalité vis-à-vis des femmes au travail, nous devons examiner les différents aspects de leur emploi séparément.
Pour cette analyse, nous avons séparé les personnes interrogées en deux groupes : les répondants hommes d’un côté et les répondantes de l’autre, afin de comparer leurs expériences et opinions.
Le processus de recrutement
Si certains candidats doivent satisfaire à plus d'exigences et se soumettre à plus d'entretiens que d'autres, cela peut indiquer que les employeurs ont recours à des pratiques de recrutement discriminatoires. Cependant, il n'y a pas eu de différence significative entre le nombre d'entretiens auxquels ont été soumis les hommes et les femmes interrogés lors de notre enquête.
Malgré la quasi-égalité entre hommes et femmes au niveau du nombre d'entretiens préalables à l'embauche, un tiers des Canadiennes interrogées (33 %) disent avoir subi une certaine forme de partialité ou de discrimination à l'embauche. Ce pourcentage monte à 36 % pour les Québécoises. L'équité salariale est une obligation légale au Canada pour lutter contre la discrimination systémique genrée, et donc de la perception des pratiques d'embauche discriminatoires.

Demander et obtenir une promotion
Un lieu de travail sain et équitable devrait offrir les mêmes opportunités d'évolution de carrière à tous ses employés. Il s'agit d'instaurer un climat de confiance au travail (article en anglais) pour que les employés puissent défendre leurs intérêts dans un environnement favorable où l'on encourage la liberté de parole.
Malheureusement, lorsqu'il s'agit de demander une promotion, hommes et femmes ne sont pas logés à la même enseigne. 41 % des hommes interrogés au niveau national se sentent "plutôt" ou "totalement" à l'aise lorsqu'ils demandent une promotion à leur supérieur hiérarchique. Seulement un quart des Canadiennes interrogées (27 %) sont du même avis.
Quant aux réponses des Québécois interrogés, ces nombres augmentent pour les deux groupes, l’un composé de 147 hommes et l’autre de 81 femmes. Nous constatons que les femmes restent toujours en retrait : 47 % des employés québécois et 37 % des employées québécoises se sentent "plutôt" ou "totalement" à l'aise.
Ces différences de niveaux de confiance entraîneraient une inégalité des perspectives d'avancement entre les hommes et les femmes. Au Québec, 37 % des femmes interrogées n'ont jamais demandé ni reçu de promotion, contre 31 % des hommes.
Elles sont également moins susceptibles de recevoir des promotions non sollicitées que les hommes, même si cette situation est plus courante au niveau national. Près d'un tiers (32 %) des hommes pancanadiens reçoivent des promotions sans avoir à les demander, alors que ce n'est le cas que pour 27 % des femmes interrogées. Au Québec, la proportion est respectivement de 30 % et 28 %.
Pour autant, on note également que 12 % des hommes et 11 % des femmes interrogés n’ont pas reçu de promotion malgré leur demande.
Reconnaissance au travail
Les femmes ont moins de raisons d'être satisfaites de leur salaire que les hommes. Alors que la moitié (50 %) des Québécois interrogés se disent satisfaits de leur salaire, une plus faible proportion de femmes (44 %) est du même avis. Lorsque l'on demande aux femmes qui ne sont pas entièrement satisfaites de leur salaire de nous dire pourquoi, voici les réponses que nous obtenons :
- 52 % trouvent qu'elles ne sont pas assez payées pour ce qu'elles font
- 35 % disent qu'elles ne sont pas assez payées pour bien vivre
- 26 % pensent que d'autres personnes occupant le même poste sont mieux payées qu'elles
Bien que la plupart des employés interrogés se sentent reconnus pour leur travail, d'autres continuent à se sentir dévalorisés par leur entreprise. 16 % des Canadiennes pensent que leur travail n'est pas reconnu, ce qui est légèrement plus que les 13 % d'hommes qui pensent la même chose. Toutefois, c'est le contraire au Québec, où 10 % des femmes pensent que leur travail n'est pas reconnu par leur entreprise, contre 14 % des hommes.
L'équité salariale est-elle respectée dans les entreprises canadiennes et québécoises?
Au Canada, les employeurs sont tenus par la loi sur l'équité salariale d'établir et de maintenir une telle égalité. Pour ce faire, un tel plan doit :
- Déterminer les différentes catégories d'emploi de l'organisation
- Identifier si elles sont à prédominance masculine, féminine, ou neutre
- Évaluer la valeur du travail produit par chaque catégorie d'emploi et calculer la rémunération
- Comparer la rémunération entre les catégories d'emploi réalisant un travail de valeur égale (ou comparable)
L'une des directives du gouvernement est de réduire les écarts de rémunération, et 80 % des Canadiens et des Québécois interrogés pensent que l'équité salariale est respectée dans leur entreprise. Cependant, cette perception de rémunération équitable diffère sensiblement entre les femmes et les hommes : plus d'un quart (27 %) des employées canadiennes et un tiers (33 %) des Québécoises interrogées pensent que leur entreprise les paie moins que leurs homologues masculins, alors que seuls 9 % des hommes interrogés dans les deux groupes, national et provincial, partagent cette opinion.
Pour de nombreuses personnes, il est difficile de savoir si des mesures d'équité salariale ont été prises dans leur entreprise. La majorité (41 %) des Canadiens interrogés, hommes et femmes confondus, ne savent pas si leur entreprise a ajusté les salaires pour verser le même montant aux hommes et aux femmes. Par contre, au Québec, la majorité des personnes interrogées (43 %) confirment que leur entreprise a pris des mesures d'équité salariale.

Le calcul de l'équité salariale est indispensable pour l'égalité au travail, mais la transparence autour de ces mesures est tout aussi importante pour créer un environnement équitable pour tous les travailleurs.
Les hommes et les femmes sont-ils équitablement représentés au travail?
Un autre aspect de l'inégalité est la représentation des femmes dans le milieu du travail. La plupart des Québécois interrogés (37 %) déclarent que leurs équipes sont composées à parts égales d'hommes et de femmes; des équipes moins équilibrées sont aussi évoquées, mais équitablement représentées.

Cependant, en ce qui concerne les rôles de direction, c’est une autre histoire. La majorité des Québécois interrogés (50 %) déclarent qu'il y a "quelques" femmes à des postes de direction dans leur entreprise, ce qui est loin d'une représentation égalitaire. Bien qu'un tiers des Québécois interrogés indiquent que de "nombreuses" femmes occupent des postes de direction dans leur entreprise, 10 % disent aussi qu'il n'y en a aucune à de tels postes dans la leur.
Le niveau d'ancienneté des personnes interrogées, au niveau national et provincial, montre un net déséquilibre entre les hommes et les femmes aux postes de cadres et de dirigeants. Les hommes sont plus susceptibles d'occuper des postes de direction que les femmes, alors qu'il est démontré que les femmes occupent plus de postes intermédiaires et subalternes que les hommes.

La sous-représentation des femmes aux postes de dirigeants peut être due à de mauvaises pratiques d'embauche, mais aussi à une inégalité des opportunités d'avancement au sein de l'entreprise. Par exemple, on confie un peu plus souvent les projets importants aux hommes qu'aux femmes, selon 15 % des hommes interrogés et 11 % des femmes. Cet écart est encore plus élevé au Québec, où 18 % des hommes interrogés se voient toujours proposer des projets importants, contre 10 % des femmes.
Atteindre l'égalité au travail
Pour continuer à lutter contre l'inégalité entre les hommes et les femmes au travail, les employés et les équipes doivent tous faire des efforts. Ces efforts doivent également être mis en avant pour faire comprendre au personnel qu'il s'agit d'une valeur de l'entreprise.
Actuellement, un quart des femmes interrogées (26 % au Québec) déclarent que leur entreprise organise des évènements, des actions ou des programmes pour promouvoir l'égalité des sexes. Cependant, 48 % disent que leur entreprise n'a pas mis en place ce genre de programme. Selon Gartner, les entreprises devraient envisager de créer des communautés ou des groupes d'étude (article en anglais) pour les motiver avec l'aide de conseillers et de formateurs.
Notre étude démontre clairement que les entreprises canadiennes et québécoises ont travaillé pour réduire les inégalités au travail pour les femmes. Pour créer un lieu de travail plus équitable, il faut continuer à proposer des opportunités, à garantir l'égalité et à accroître la transparence. Dans le deuxième article de notre enquête, nous verrons comment proposer une aide équitable aux femmes et aux parents sur leur lieu de travail.
Méthodologie de l'enquête
Pour recueillir les données de cette étude, Capterra a mené une enquête en janvier 2023. Un échantillon de 982 personnes a été sélectionné et l'enquête a été distribuée équitablement entre hommes et femmes. Pour correspondre au taux de recensement de la population canadienne, 481 hommes et 501 femmes ont été interrogés. Pour les sections de notre article portant plus particulièrement sur le Québec, nous avons analysé les réponses de 228 participants, dont 81 femmes et 147 hommes. Voici les critères de sélection des candidats :
- Être âgé(e) de 18 à 65 ans
- Être employé(e) à plein temps ou à temps partiel