L'adoption croissante de l'IA dans les logiciels de gestion de projet transforme l'ensemble des compétences requises pour les gestionnaires de projets canadiens. Annie Thibodeau, présidente de gestion de projet Transversa et Peter Taylor, coach en gestion de projet, expliquent comment les entreprises peuvent préparer les gestionnaires à travailler efficacement avec l'IA.
Dans cet article
- 1. Étudiez votre pile technologique pour comprendre si vous n’exploitez pas pleinement les fonctionnalités de l'IA ou si vous avez besoin de nouveaux outils
- 2. Concevez des programmes de formation pour développer des compétences techniques et non techniques
- 3. Prévoyez des garde-fous pour limiter l'utilisation abusive des données dans les outils d'IA
- Formez vos gestionnaires à l'utilisation de l'IA
Il est temps d'optimiser votre utilisation de l'intelligence artificielle (IA) pour gérer les projets si vous voulez suivre le rythme de vos concurrents. Une nouvelle enquête Capterra menée auprès de gestionnaires de différents pays, dont 200 canadiens*, a révélé que près de la moitié des professionnels canadiens (47 %) emploie déjà des outils de gestion de projet basés sur l'IA et que plus d’un quart (27 %) pense augmenter ces investissements dans l'IA d’au moins 20 à 30 % d'ici la fin de l'année.
Si l'idée d'intégrer l'IA dans les processus de gestion de la performance de votre entreprise vous intéresse, mais que vous ne savez pas par où commencer, les conseils d’Annie Thibodeau et de Peter Taylor sont là pour vous guider.
Orientée sur la collaboration transversale et spécialisée en transformation numérique et omnicanale dans le domaine des services, Annie Thibodeau est présidente de gestion de projet Transversa. Également présidente du conseil d’administration de PMI-Montreál, elle met une expertise de près de 20 ans au service de la gestion de projets et de programmes des entreprises. [1]
Peter Taylor a plus de 30 ans d'expérience dans la direction de bureaux de gestion de projets. Il accompagne des entreprises qui souhaitent améliorer leurs processus et a publié plusieurs ouvrages sur les techniques de gestion de la performance et les technologies émergentes. [2]
1. Étudiez votre pile technologique pour comprendre si vous n’exploitez pas pleinement les fonctionnalités de l'IA ou si vous avez besoin de nouveaux outils
"L'IA peut devenir un allié numérique précieux pour le chef de projet, en lui faisant gagner du temps pour qu'il puisse se consacrer à la gestion de l'équipe de projet", explique Peter Taylor. Il considère que les entreprises et leurs gestionnaires doivent se préparer à tirer parti des possibilités que proposent les technologies et les logiciels pilotés par l'IA. Les organisations devront faire l'inventaire de leurs logiciels de gestion de projet et comprendre comment leurs gestionnaires utilisent actuellement ces outils. Les entreprises peuvent examiner leur pile technologique en quelques étapes simples :
- Dressez un inventaire complet de tous les logiciels de gestion de projet et de leurs fonctionnalités en matière d'intelligence artificielle : évaluez l'objectif de chaque outil, sa fréquence d'utilisation et la satisfaction de ses utilisateurs.
- Recueillez les retours des gestionnaires : identifiez les fonctions et les outils qui sont essentiels, et ceux qui sont trop peu utilisés ou inutiles.
- Examinez la sécurité et la conformité de tous les outils : assurez-vous qu'ils répondent aux standards de votre entreprise.
- Évaluez le niveau de formation et de prise en charge de chaque outil : identifiez les lacunes en matière de formation et mettez en place des sessions de formation ou des ressources supplémentaires.
Grâce à l'audit des entreprises et les retours des gestionnaires, les entreprises peuvent prendre des décisions éclairées sur la manière d'utiliser au mieux les logiciels basés sur l'IA et sur les nouveaux investissements potentiels.
Cette décision repose en partie sur les souhaits et les besoins des entreprises et de leurs gestionnaires. Toutefois, si l'audit a été effectué de manière adéquate, il révélera qu'il existe des domaines où l'IA a apporté une valeur ajoutée. “L'utilisation la plus intéressante de l'IA est celle qui vient réellement nous aider, c'est-à-dire qui supporte nos projets à générer une meilleure valeur d'affaires et à mieux atteindre les objectifs”, souligne Annie Thibodeau. Parmi ses applications, l’IA peut être employée pour réaliser des tâches répétitives et routinières telles que la saisie de données, la planification, la prise de notes et l'organisation de réunions. Voici quelques exemples de fonctionnalités que l'on peut retrouver dans les logiciels de gestion de projet basés sur l'IA :
- Tirez parti de l'IA pour concevoir un plan de projet optimisé : ce dernier inclut les tâches, les sous-tâches et la répartition des ressources. Le logiciel associe automatiquement les besoins du projet aux membres de l'équipe les plus adéquats. L'IA se base alors sur les compétences et les performances des membres de l'équipe lors de projets antérieurs.
- Un tableau blanc numérique alimenté par l'IA pour faciliter la planification et la collaboration en équipe : il peut fonctionner comme un répertoire centralisé, où l'on peut saisir de nouvelles tâches à l'aide de notes autocollantes et partager des idées et des commentaires. Le logiciel identifie les thèmes clés et les étapes à suivre.
- Un générateur de flux de travail soutenu par l’IA : cet élément suggère des processus optimisés pour organiser les tâches et les activités, de sorte que les gestionnaires puissent gérer plusieurs projets avec des échéances et des tâches différentes.
2. Concevez des programmes de formation pour développer des compétences techniques et non techniques
"Pour aider leurs gestionnaires à utiliser l'IA, les entreprises doivent comprendre la nature de leurs lacunes en matière de connaissances", explique Peter Taylor. "Ensuite, il faut les soutenir à l'aide d'une formation. Vous n'avez pas besoin de prévoir un cours intensif de deux jours. Vous pouvez opter pour ce qu'on appelle le 'micro apprentissage', un concept qui consiste à offrir des micro formations de quelques minutes au moment où l'utilisateur en a besoin."
Une partie de la formation devra être consacrée au développement des compétences non techniques, aussi appelées "soft skills" en anglais. L'IA s'acquittant de la majorité des tâches techniques, telles que la planification et la conception de rapports, les gestionnaires pourront consacrer davantage de temps au développement des relations au sein des équipes et à la gestion du personnel.
Le fait que la majorité des gestionnaires que nous avons interrogés estiment que l'utilisation de l'intelligence émotionnelle a augmenté au cours des deux dernières années va aussi dans ce sens. Pour près de la moitié des gestionnaires canadiens de notre étude (49 %), l’IA a un impact important sur la capacité de l'équipe à atteindre ses objectifs. “Plus que jamais, la gestion de projet authentique et humaine est pertinente dans un monde d'IA” explique Annie Thibodeau. “Il devient encore plus important de communiquer efficacement dans le cadre d'un projet, de mobiliser les équipes, d'écouter les préoccupations et faire preuve d'empathie, d'accompagner dans l'adoption de l'IA: Il faut que tout le monde s'y retrouve.”
Au cours de l'enquête menée par Capterra, nous avons demandé aux gestionnaires canadiens quelles compétences non techniques leur posent le plus problème. Parmi les réponses les plus fréquemment citées figurent la résolution des conflits (37 %), la gestion des relations avec les membres de l'équipe (28 %) et la communication des besoins et des attentes (28 %).
Heureusement, il existe des méthodes efficaces pour former des gestionnaires à ces tâches :
- Les jeux de rôle et les exercices de simulation sur site :ils permettent aux gestionnaires de vivre des situations réelles et de tenter différentes approches pour gérer les conflits, mener à bien des négociations et encourager des relations positives.
- Les ateliers interactifs : ces derniers comprennent des activités telles que des discussions de groupe, des études de cas et des exercices interactifs. Ainsi, les participants sont formés aux stratégies d'écoute active, de compréhension des différents types de personnalité, de gestion des conversations difficiles et de création d'un environnement d'équipe collaboratif.
- Des programmes de mentorat et de coaching : cette méthode apporte aux gestionnaires un soutien en continu et des conseils personnalisés en leur affectant des mentors expérimentés capables de les aider à relever des défis spécifiques, à fixer des objectifs d'amélioration et à suivre les progrès réalisés.
De plus, et comme l’ajoute Annie Thibodeau : “Bien sûr, l'IA peut libérer du temps et augmenter notre productivité, mais là où son usage devient particulièrement intéressant, c'est lorsqu'elle allège notre charge mentale et nous appuie avec des analyses prédictives et des conseils innovants.” En ce sens, l'utilisation grandissante de l'IA nécessite des compétences spécialisées inédites, telles que l'analyse et la gestion des données et la manière de tirer le meilleur parti des outils de gestion de projet basés sur l'IA.
Les systèmes de gestion de l'apprentissage (LMS ou "Learning Management System" en anglais) peuvent aider les entreprises qui souhaitent créer, gérer, diffuser et suivre le contenu et les activités de formation. Ce type d'outil permet d'élaborer des parcours de formation sur mesure pour enseigner les connaissances et les compétences spécifiques dont les gestionnaires de projet ont besoin, que ce soit pour comprendre le fonctionnement des algorithmes ou pour savoir comment résoudre les problèmes.
Ces logiciels donnent aux entreprises accès à des webinaires, des conférences vidéo et des articles publiés par des experts du secteur. Ils incluent souvent des forums de discussion où les gestionnaires peuvent échanger des idées, parler des défis et collaborer sur des problèmes spécifiques. Les gestionnaires peuvent accéder aux matériels de formation et s'y mettre à leur propre rythme, selon leurs disponibilités.
3. Prévoyez des garde-fous pour limiter l'utilisation abusive des données dans les outils d'IA
"Dans toutes les entreprises avec lesquelles j'ai travaillé, la qualité des données générées par l'IA posait des problèmes", nous confie Peter Taylor. "C'est souvent lié à la qualité des données initiales. Avec l'IA, les données entreront et sortiront plus rapidement. Il convient donc de prévoir un processus de gestion des connaissances pour s'assurer de la fiabilité des données sortantes."
Les résultats de l'enquête menée par Capterra confirment les dires de Peter Taylor, car 37 % des gestionnaires canadiens interrogés déclarent que leur entreprise a connu des problèmes de qualité des données. Et même 24 % d'entre eux ont constaté la présence de préjugés indésirables dans les résultats. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles près de la moitié (55 %) des gestionnaires canadiens sont sceptiques quant à l'implémentation de l'intelligence artificielle.
Mais comment les entreprises peuvent-elles prévoir des garde-fous pour minimiser l'impact des données erronées sur les décisions prises?
Pour commencer, il faut comprendre les avantages et les limites des logiciels basés sur l'IA. Par exemple, selon Gartner, la GenAI ou intelligence artificielle générative est très utile pour la création de contenu et la découverte de connaissances, mais peu utile pour la prédiction, la prévision et la planification. [3] Les entreprises doivent choisir les outils en fonction de leurs objectifs.
La deuxième étape consiste à concevoir le meilleur processus de gestion des données. “ 'Garbage in, garbage out' : Ce principe de base est fondamental”, ajoute Annie Thibodeau. “Il faut donc assurer une qualité, quantité, variété et intégrité des données qui alimentent l'IA pour des résultats valables.”
Gartner recommande aux dirigeants d'entreprise de développer un certain nombre de bonnes pratiques [4] pour garantir une qualité égale et constante des données :
- Adoptez le bon état d'esprit : il faut reconnaître que la gestion du changement est nécessaire pour maintenir un niveau acceptable de qualité des données.
- Répartissez la responsabilité de la qualité des données entre plusieurs rôles : le service informatique ne doit pas être le seul à l'endosser. Comme le spécifie Annie Thibodeau : “Rien de mieux que de s'entourer des experts dans vos équipes projet (analyste de données, scientifiques de données, etc.) pour y voir plus clair.”
- Tirez parti de la technologie pour intégrer les sources de données, mais aussi pour évaluer et suivre la qualité des données fournies par les sources opérationnelles.
- Étudiez l'impact de la qualité des données sur les résultats, les performances et les finances de l'entreprise.
Les grandes entreprises voulant se pencher sur gestion des risques liés aux données peuvent utiliser un logiciel de gestion des risques, qui peut être intégré à un logiciel de gestion de projet. L'IA peut être utilisée de différentes manières pour la gestion des risques :
- Contrôler la qualité des données qui alimentent les outils d'intelligence artificielle. En déterminant des métriques de qualité des données en amont, le logiciel peut générer des alertes lorsque la qualité est inférieure au standard prédéfini. Il peut également conserver des pistes d'audit détaillées de toutes les activités associées aux données, telles que la collecte, le traitement et l'utilisation de ces dernières.
- Lancer des scénarios de simulation en modifiant les informations variables du projet telles que les dates d'échéance, le budget et l'affectation des ressources, afin de constater l'impact que ces changements pourraient avoir. Avec l'aide de l'IA générative, les gestionnaires peuvent simuler les différents risques qui peuvent affecter un projet et en discuter avec les principales parties prenantes.
- Analyser de larges volumes de données non structurées, telles que les e-mails, les notes de réunion et les rapports d'avancement, à l'aide du traitement du langage naturel (NLP ou "Natural Language Processing" en anglais). Les outils NLP permettent aux ordinateurs de comprendre le langage humain et d'y répondre. Vous pouvez vous en servir pour étudier les communications relatives au projet afin d'identifier les signes avant-coureurs de risques.
Formez vos gestionnaires à l'utilisation de l'IA
Les capacités des outils d'intelligence artificielle sont en constante évolution, tout comme les compétences requises pour travailler avec ces logiciels. Les entreprises devront investir dans le développement des connaissances et des compétences de leurs gestionnaires de projet pour s'assurer qu'ils peuvent suivre les dernières évolutions technologiques. Selon Annie Thibodeau “Il est important, en tant que gestionnaire de projet, de constamment se former, demeurer curieux et ouvert à ces technologies. L'IA se développe si rapidement qu'il faut adopter cette posture d'éternel apprenant pour rester 'en avant de la parade'.”
Peter Taylor recommande des micro séances d'apprentissage pour développer les compétences techniques et non techniques. Pour les compétences non techniques, il faut bien sûr miser sur le quotient émotionnel. Mais pour les compétences techniques (ou "hard skills"), l'accent devrait être mis sur le savoir-faire concernant les données. Ainsi, les gestionnaires pourront identifier des données de mauvaise qualité, traiter de larges volumes de données et prendre des décisions plus éclairées et basées sur les données.
Il convient ensuite de collaborer avec les dirigeants de votre entreprise pour déterminer quelles sont les recommandations d’Annie Thibodeau et de Peter Taylor que vous souhaitez mettre en œuvre, et quand. Mettez toutes les chances de votre côté en identifiant en amont les lacunes de vos gestionnaires de projet et les mesures à prendre pour les combler.
Pour ce faire, analysez les écarts de compétences pour évaluer la différence entre les capacités actuelles de votre équipe et ce qui est requis pour répondre aux exigences futures de la stratégie de l'entreprise.
Méthodologie
*Les données de l'enquête de Capterra "2024 Impactful Project Management Tools" ont été recueillies en mai 2024 auprès de 2 500 individus aux États-Unis (n : 300), au Canada (n : 200), au Brésil (n : 200), au Mexique (n : 200), au Royaume-Uni (n : 200), en France (n : 200), en Italie (n : 200), en Allemagne (n : 200), en Espagne (n : 200), en Australie (n : 200), en Inde (n : 200) et au Japon (n : 200). L'objectif de cette enquête était de comprendre comment les gestionnaires de projets exploitent et incorporent l'IA. Les personnes interrogées ont été sélectionnées parmi les professionnels de la gestion de projet au sein d'entreprises de toutes tailles.
Veuillez noter que cette enquête s'intéressait tout particulièrement aux gestionnaires de projet basés au Canada. Les résultats de cette enquête ne sont pas universels ni représentatifs du marché dans son ensemble. Ils ne font que refléter les sentiments des personnes et des entreprises interrogées.
Sources
- Annie Thibodeau, Linkedin
- Peter Taylor, LinkedIn
- When Not To Use Generative AI, ("Quand ne pas utiliser l'IA générative"), article en anglais de Gartner
- 7 Data Quality Focus Areas to Ensure Effective Analytics and AI, ("7 domaines de qualité des données pour garantir l'efficacité de l'analyse et de l'IA"), article en anglais de Gartner