73 % des cadres intermédiaires au Canada se disent "parfois" ou "toujours" épuisés au travail.

Comment lutter contre le surmenage des cadres intermédiaire

En 2023, Meta et X (autrefois Twitter) ont fait les gros titres en licenciant ou en rétrogradant des niveaux entiers de cadres intermédiaires dans le but de réaliser des économies d'aplanir la structure organisationnelle.[1] Alors que les PME essaient de gagner en efficacité et de réduire les coûts en 2024, devraient-elles emboîter le pas à ces grandes entreprises et se débarrasser de leurs cadres intermédiaires?

Rien n'est moins sûr. Les cadres intermédiaires se montrent plus que jamais essentiels à la réussite de l'entreprise. En effet, ils participent à la transformation de la stratégie globale de l'entreprise en actions mesurables, et ont un impact incomparable sur le moral et l'engagement des employés.

Nous avons voulu comprendre comment les ressources humaines pouvaient soutenir ce niveau hiérarchique souvent mal considéré. Capterra a donc recueilli, dans le cadre de son enquête sur les sentiments des responsables ("Manager Sentiment Survey") de 2024, 156 réponses de cadres intermédiaires au Canada.* Voici ce que nous avons appris : les cadres intermédiaires se trouvent actuellement en grande difficulté. Cependant, tout n'est pas perdu : les responsables des ressources humaines peuvent préparer ces employés à la réussite en réévaluant, en tant qu'entreprise, les personnes qu'ils promeuvent à des postes d'encadrement intermédiaire, la manière dont ils les forment et les outils utilisés pour automatiser une partie de leur travail.

Conclusions clés
  • La plupart des cadres intermédiaires se disent tiraillés dans de trop nombreuses directions : 50 % disent ne pas avoir assez de temps pour faire tout ce qu'ils ont à faire, et pour 56 %, il est impossible d'accorder à tous leurs subordonnés directs le temps dont ils ont besoin.
  • Les cadres intermédiaires ne sont promus sur la base de leurs compétences de gestion que dans la moitié des cas : ils ont presque autant de chances d'être promus à leur poste sur la base de leurs performances en tant que contributeurs individuels (53 %) que sur leur potentiel talent en tant que gestionnaire de personnel (47 %). 
  • Les cadres intermédiaires sont rarement formés : seuls 45 % des cadres intermédiaires interrogés ont été formés lors de leur embauche ou de leur montée en grade. De plus, 71 % disent avoir "rarement" ou "jamais" bénéficié d'une formation managériale continue par la suite.
  • Les cadres intermédiaires consacrent moins de la moitié de leur temps à la gestion des équipes : en moyenne et par semaine, seulement 40 % de leur temps est dédié à la gestion directe des personnes.

Le surmenage des cadres intermédiaires est courant, en particulier chez les jeunes cadres

Selon Gartner[2], le développement des responsables devrait constituer la priorité des responsables des ressources humaines cette année, ce que confirment les résultats de notre enquête[2] .

En effet, 73 % des cadres intermédiaires interrogés se disent "parfois" ou "toujours" débordés, stressés ou épuisés au travail. Ce taux s'avère encore plus élevé parmi ceux qui travaillent dans de grandes entreprises de plus de 1 001 employés (76 %) et ceux qui travaillent à distance (76 %).

Bien sûr, la lutte contre l'épuisement professionnel des employés n'est pas un nouveau sujet pour les spécialistes des ressources humaines. Cependant, notre enquête révèle qu'un peu plus d'un cadre intermédiaire sur trois (35 %) en a tellement assez de son poste actuel qu'il cherche activement un nouvel emploi en ce moment même.

Plus alarmant encore, nous constatons que plus un employé est jeune, et moins il est expérimenté en tant que cadre intermédiaire, plus il est susceptible de vouloir changer d'emploi. En effet, 46 % des cadres comptant moins de deux ans d'expérience en tant que responsables sont actuellement à la recherche d'un nouvel emploi, qu'il s'agisse de postes de cadres ou non, contre 30 % des cadres ayant une expérience de 10 ans ou plus.

Cadres intermédiaires plu souvent à la recherche d’un emploi que les cadres expérimentés

Si les entreprises ne réussissent pas à inverser cette tendance, elles n'auront pas assez de jeunes cadres dans leurs rangs pour remplacer les anciens lors de leur départ en retraite. Cela aura pour conséquence directe l'augmentation du nombre de subordonnés directs par cadre, ce qui accroît le stress et nuit aux bonnes relations entre les employés et leurs responsables.

Les ressources humaines, le service en charge du développement des individus prometteurs pour assurer l'avenir de l'entreprise, jouent un rôle important dans le combat contre l'épuisement professionnel des cadres intermédiaires. Malheureusement, il ne suffit pas d'allouer des ressources aux programmes traditionnels de développement des cadres. Selon Gartner, le travail de responsable n'est plus gérable[2].

Ainsi, les RH doivent collaborer avec les dirigeants pour repenser le rôle des cadres intermédiaires. Voici trois recommandations sur la manière dont les entreprises devraient réorganiser ce niveau hiérarchique afin de réduire le taux d'épuisement professionnel et d'améliorer l'efficacité de ce rôle.

Recommandation n° 1 : promouvoir les cadres sur la base de leur potentiel et non de leurs performances

Les problèmes liés aux cadres intermédiaires commencent par la personne promue à ce poste. 

Des décennies de recherche ont prouvé que le meilleur employé n'est pas toujours le meilleur candidat à promouvoir au poste de responsable[3]. Cependant, il apparaît que les cadres intermédiaires ayant participé à notre enquête ont souvent été promus en raison de leurs performances comme contributeurs individuels tout autant qu'en raison de leur potentiel en tant que gestionnaires d'équipe.

Raisons pour lesquelles les employés sont promus cadres intermédiaires

Heureusement, les ressources humaines peuvent mettre fin à cette vision dépassée de la sélection des cadres et s'assurer que seules les personnes ayant un excellent potentiel de gestion soient promues.

Cela peut se faire de deux manières. La première consiste à collaborer avec les cadres dirigeants pour isoler les compétences qui, selon eux, font les bons responsables. Une fois ces compétences identifiées, les chefs de service passent en revue les membres de leurs équipes et évaluent les compétences de chacun dans ces différents domaines. Les logiciels de planification de la relève s'avèrent particulièrement utiles dans ce cas de figure. Ils automatisent l'ensemble du processus et fournissent des ventilations et des visualisations de données pour faciliter la prise de décisions clés en matière de promotion dans l'ensemble de l'organisation.

Quant à la deuxième méthode, les ressources humaines peuvent modifier les parcours de carrière de l’entreprise de sorte que la seule voie de mobilité ascendante ne passe pas par la gestion d’équipe. Ainsi, les meilleurs collaborateurs individuels qui ne sont pas intéressés par la gestion peuvent rester dans l'entreprise et s'y épanouir. Quant aux nouveaux cadres intermédiaires, ils disposent ainsi d'une porte de sortie qui n'est ni une rétrogradation ni un licenciement s'il s'avère que la gestion ne leur convient pas.

Selon Gartner, les organisations qui normalisent ce "retrait" du management contribuent à ce que les cadres qui conservent leur poste trouvent leur travail bien plus gérable[2].

Recommandation n° 2 : proposer davantage de formations

Même si les entreprises promeuvent les individus les plus à même à devenir de bons responsables, il apparaît que de nombreux cadres intermédiaires sont voués à l'échec à cause d'un manque de formation. Dans notre enquête, seuls 45 % des cadres intermédiaires interrogés ont été formés lors de leur embauche ou de leur montée en grade. De plus, 71 % disent avoir "rarement" ou "jamais" bénéficié d'une formation managériale continue par la suite.

Les cadres intermédiaires en télétravail et ceux travaillant dans des entreprises de moins de cent employés sont les plus représentés dans cette catégorie. Cela peut s'expliquer par un manque d'investissement dans les ressources de formation numérique. Si votre entreprise n'a pas encore de système de gestion de l'apprentissage, n'oubliez pas que ce type d'outil peut vous aider à développer rapidement votre programme de formation interne. Les cadres intermédiaires interrogés dans le cadre de notre enquête souhaitent surtout recevoir davantage de formation en matière de résolution des conflits (44 %) et de communication (36 %). Ces thèmes sont abordés dans des centaines de formations que vous pouvez personnaliser et réutiliser en fonction de vos besoins.

Cependant, l'insuffisance des ressources dites formelles n'explique pas l'écart que nous avons noté entre les hommes et les femmes. En effet, par rapport à leurs homologues masculins, les cadres intermédiaires féminins sont presque deux fois plus susceptibles de n'avoir jamais reçu de formation managériale en continu.

Les femmes sont presque deux fois plus susceptibles de ne jamais recevoir de formation continue en gestion

Des sources de formation plus informelles, telles que le mentorat, peuvent alors faire la différence et combler cet écart entre les sexes. Les programmes de mentorat, déployés officiellement par les RH et encouragés par les dirigeants, font collaborer les nouveaux cadres avec des dirigeants expérimentés pour les aider à développer des compétences intangibles cruciales et à obtenir un retour constructif sur leurs performances.

53 % des cadres intermédiaires sondés n'ont pas reçu de mentor lors de leur promotion, et ils n'en ont pas non plus cherché de leur propre initiative. C'est en encourageant ce type d'apprentissage informel que les cadres seront préparés à relever les défis qui les attendent.

Recommandation n° 3 : employer l'automatisation pour éliminer les obstacles à la gestion effective du personnel

Vous avez promu les bonnes personnes et leur avez alloué les ressources requises pour assurer leur bon développement. C'est un bon début, cela ne suffit pas.

Malheureusement, les attentes placées sur les cadres intermédiaires sont excessives. Dans notre enquête, 50 % disent ne pas avoir assez de temps pour faire tout ce qu'ils ont à faire, et pour 56 %, il est impossible d'accorder à tous leurs subordonnés directs le temps dont ils ont besoin.

Lorsqu'on leur demande comment ils s'organisent au cours d'une semaine typique, il apparaît que moins de la moitié de leur temps (40 %) est consacré à la gestion des équipes. Le reste du temps, ils se retrouvent trop souvent à devoir exécuter des tâches de contributeur individuel que leurs subordonnés directs devraient réaliser (15 %) ou des tâches administratives (10 %).

Les cadres intermédiaires consacrent 40% de leur temps à la gestion des équipes

Le temps consacré aux tâches de contributeur individuel révèle que les cadres ne délèguent pas suffisamment, ou qu'ils manquent de personnel. Cependant, le problème le plus important du point de vue des ressources humaines est le temps dédié à des tâches qui pourraient être aisément automatisées.

Les logiciels d'informatique décisionnelle, par exemple, peuvent créer des tableaux de bord en temps réel à partager avec la direction générale et générer des visualisations et des constats exploitables pour réduire le temps requis pour analyser les performances. Quant aux logiciels de suivi des candidats, ils proposent des modèles d'entretien et de tri des candidatures, ce qui permet aux cadres intermédiaires de les évaluer plus rapidement.

Mais les cadres intermédiaires affirment que ce sont surtout les tâches administratives que l'intelligence artificielle (IA) pourrait rationaliser. En fait, contrairement à la peur que l'IA ne remplace les responsables, 78 % des cadres intermédiaires interrogés dans le cadre de notre enquête ont une attitude positive à l'égard de cette technologie. Ils estiment qu'elle peut les aider à mieux travailler. De plus, 35 % de ces mêmes responsables pensent que l'IA a un potentiel inégalé quand il s'agit d'automatiser les tâches administratives, telles que la gestion des budgets, le suivi des dépenses et la création des emplois du temps des équipes.

Bien entendu, l'automatisation ne pourra pas décharger complètement les cadres intermédiaires de leurs responsabilités, mais elle devrait leur libérer du temps qu'ils pourront consacrer à la gestion humaine.

Misez sur la réussite des cadres intermédiaires en 2024

Un cadre intermédiaire peut faire toute la différence entre un employé qui décide de rester dans l'entreprise pendant des années et celui qui démissionne six mois plus tard. C'est pour cette raison et en dépit des efforts réalisés pour aplanir la hiérarchie que les entreprises doivent consacrer davantage de ressources à leurs cadres intermédiaires en 2024. Repenser le rôle des cadres intermédiaires en s'appuyant sur les recommandations de cet article peut vous aider à limiter les risques d'épuisement des cadres intermédiaires.


Méthodologie

*L'enquête de Capterra sur le sentiment des managers en 2024 ("Manager Sentiment Survey") a été réalisée en ligne en janvier 2024 auprès de 156 répondants résidant au Canada afin d'en savoir plus sur les expériences et les défis auxquels les cadres intermédiaires sont confrontés. Pour être sélectionnés, les participants à l'enquête devaient occuper un poste de cadre avec au moins un subordonné direct.

Sources

1. "Meta to Ask Many Managers to Become Individual Contributors or Leave", ("Meta va demander à de nombreux cadres de devenir des contributeurs individuels ou de parti"), BNN Bloomberg, article en anglais

2. "Top 5 HR Trends and Priorities for 2024", (Les 5 tendances et les priorités des RH pour 2024), Gartner, article disponible pour les clients de Gartner

3. "Promotions and the Peter Principle", ("Les promotions et le principe de Peter"), Quarterly Journal of Economics, article en anglais